Doctolib est un succès, patients et professionnels en tirent avantage. Récemment pourtant, la plateforme a fait l’objet de critiques sévères. En cause : le laxisme à l’inscription des professionnels, entraînant des dérives dont les patients se trouvent victimes. L’Ordre de médecins a promptement réagi.

Les faits à l’origine du débat

Août 2022 : Doctolib essuie coup sur coup deux mauvaises publicités.- Alors que le discrédit est jeté sur une naturopathe aux pratiques très douteuses, patients et professionnels de santé constatent que Doctolib héberge sur sa plateforme les comptes de professionnels qui se réclament de la naturopathe controversée. Sous la pression médiatique, Doctolib suspend 17 profils de naturopathes accusés de charlatanisme et de dérives sectaires.
- Deux faux médecins sont surpris à exercer par l’intermédiaire de la plateforme. Doctolib en effet se réserve un délai de deux semaines à compter de l’inscription pour procéder aux vérifications, délai au cours duquel tout utilisateur, en droit ou non d’exercer la médecine, a le temps d’exercer. Doctolib se dit victime de fraude, suspend les faux profils et porte plainte.

Les acteurs de la santé réagissent

Les réactions sont vives et immédiates :- L’Ordre des médecins publie un communiqué largement relayé dans la presse. L’Ordre des médecins prend note des mesures de suspension de comptes prises par Doctolib, mais exige en sus une réflexion de fond : Doctolib est enjoint de renforcer ses règles éthiques pour s’inscrire sur sa plateforme.
- Les débats ne s’arrêtent pas là : le président du premier syndicat des médecins libéraux appelle à l’intervention de l’Etat, et notamment du ministre de la santé.En réponse, Doctolib opère des ajustements éditoriaux. La plateforme affiche sur les profils des professionnels concernés : « Ce praticien n'est pas un professionnel de santé et exerce une profession non réglementée. Son diplôme n’est pas reconnu par l’État ». En outre, Doctolib affirme publiquement amorcer un travail avec son comité médical.

La problématique liée aux plateformes de type Doctolib

Dans cette affaire, c’est le risque de confusion qui est critiqué. Un utilisateur non averti place sa confiance dans la plateforme Doctolib, et s’en remet au professionnel inscrit et visible sur la plateforme dans les résultats de recherche. Doctolib est-il responsable de la fiabilité des professionnels, médecins ou autres ? Sans doute pas. Les « charlatans » existaient déjà avant Doctolib, qui ne fait que faciliter leur publicité.
Dans un enjeu purement commercial, fort à parier que Doctolib aura tôt fait de prendre des mesures pour encadrer plus strictement les inscriptions des professionnels.
D’un point de vue du droit, cette affaire n’est pas sans rappeler la question du statut d’hébergeur ou d’éditeur de contenus des plateformes telles qu’Airbnb.
Doctolib, à l’instar de ces solutions technologiques, est tenu d’exercer un contrôle sur les agissements de ses utilisateurs.
Mais dans quelles proportions ?
Les professions non réglementées, qui se réclament professions paramédicales, bénéficient d’une forme de vide juridique. Or Doctolib ne peut légiférer à la place du législateur…
L’Ordre des médecins rappelle que Doctolib se positionne comme un acteur de confiance du système de santé. En conséquence, la plateforme devrait renforcer ses règles éthiques au moment de recruter les professionnels. Plusieurs mesures pourraient se dessiner :
- La refonte des CGV, pour conditionner l’exercice des médecins à la transmission préalables de leurs justificatifs.
- Une information accrue des patients, qui incombe à Doctolib eu égard à son statut d’éditeurs de contenus. Cette information serait cruciale pour limiter le risque de confusion entre médecine réglementée et professions non réglementées.
- Des sanctions immédiates en cas de fraude ou d’agissements illicites sur la plateforme. Là encore, cette responsabilité incombe à Doctolib en tant que plateforme éditrice de contenus.En tout état de cause, les acteurs de la santé attendent une réflexion avancée sur le sujet des médecines alternatives. Les autorités de santé, les Ordres professionnels ainsi que les acteurs digitaux devraient y participer.